Bientôt, nous fêterons Noël. Un Noël atypique. Beaucoup d’entre nous serons peinés de ne pouvoir retrouver leurs proches à table tandis que nous entendrons des appels à « acheter plus » par solidarité et responsabilité sociale. Si notre réalité semble bousculée et paradoxale, la réalité de Dieu nous invite à reconsidérer les paradoxes : le Dieu infini est là dans un petit enfant ; le Dieu tout-puissant est présent dans la vulnérabilité d’un nouveau-né ; le Verbe se fait chair. Merveilleuse nouvelle de la proximité de Dieu !
Et si ce Noël, où nous préparerons des fêtes plus modestes et nous recevrons moins, était une occasion de respirer, de se poser pour écouter notre souffle, de donner de la place à nos corps, comme en remerciement pour chaque cellule et pour tout notre être ?
« C’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20)
À Noël, l’Église nous redit que c’est dans notre chair que le Christ a été envoyé (Rm 8,13). Le Verbe s’est fait chair, est devenu chair (Jean 1, 14). Voici que mon corps n’est plus seul. Le mot chair indique la réalité intime du corps (« c’est la chair de ma chair »), sa sensibilité, sa fragilité, sa profondeur et sa surface la plus charnelle. La chair est l’intime substance du corps. C’est avec ce corps, et non autrement, par exemple par pur raison, qu’Il choisit de venir à nous. Devant un Dieu qui vient au monde vulnérable et qui a souffert, je ne me sens pas devant l’impossible. Dieu ne reste pas confiné dans Sa nature. La transcendance du Dieu biblique est de pénétrer l’histoire humaine en y apportant du neuf. « C’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20). « Vous êtes mon corps », nous confie le Christ. « Dieu trouve sa gloire en l’homme vivant, disait Saint Irénée. Mais aussi, la gloire de l’homme, réside désormais en cette participation de la vie de Dieu, le corps de l’homme n’est plus ni indigne ni incapable de Dieu.
Dieu a pris notre humanité : il y a donc en Dieu une faiblesse semblable à la nôtre, une ouverture, une accessibilité. Contemplons la vulnérabilité du nouveau-né dans la crèche : confions-lui la vulnérabilité dont la pandémie nous a fait prendre conscience, le poids des soucis que nous nous faisons pour la vie de nos proches, pour notre avenir. Nous ne sommes plus seuls.
Ensemble être le corps du Christ
Si « nous sommes le corps du Christ » (1 Co 12,27), nous le sommes ensemble. Si nous rencontrons Dieu dans notre corps, nous sommes obligés de le rencontrer aussi dans le corps du prochain : « Ce que vous aurez fait [en bien comme en mal] au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’aurez fait » (Mt 26,40). Il ne s’agit pas d’instrumentaliser le corps du prochain, comme s’il fallait nous en servir pour rencontrer Dieu. Non : le corps du prochain est là et il se fait qu’en le rencontrant dans son corps, je rencontre Dieu. Les soignants, les proches aidants, les bénévoles qui visitent les malades ne font-ils pas souvent l’expérience d’explosion d’une joie soudaine et d’une paix pleine de la présence du Christ, lorsqu’une main tendue apporte le réconfort, les bras s’ouvrent pour accueillir la fragilité, le corps du Christ arrive grâce à la communion apportée ? Et au contraire, quelle détresse, lorsque nous ne pouvons toucher nos proches, isolés en quarantaine…
Le corps – chemin de Dieu vers l’Homme, chemin de l’Homme vers Dieu. A Noël offrons nous nous le cadeau d’attention et de présence à notre corps. Et si nous avons du mal à accepter certains de ses aspects ou infirmités, faisons-en l’interface de contact avec notre Créateur qui a voulu nous ressembler jusque dans nos fragilités. Soyons bons pour nos corps, ils nous ouvrent à l’infini.